Résumé : (1) L'intensification de l'agriculture est reconnue comme un facteur majeur du déclin de la biodiversité sauvage dans les terres agricoles. Cependant, peu d'études ont pu relier les changements temporels de la biodiversité agricole aux pratiques agricoles. (2) Grâce aux données issues de l’Observatoire Agricole de la Biodiversité, un programme de science participative ayant rassemblé 1216 agriculteurs entre 2011 et 2017, pour un total de 2382 parcelles comprenant des grandes cultures, des prairies, des vignobles ou des vergers, nous avons étudié les tendances temporelles de l'abondance de cinq groupes d'invertébrés (abeilles solitaires, vers de terre, papillons, carabes, mollusques) et leurs liens avec les pratiques agronomiques et le paysage environnant. (3) Nous avons observé des variations temporelles significatives de l'abondance pour plusieurs groupes taxonomiques et dans de nombreux types de cultures. Les taxons volants (abeilles solitaires et papillons) sont en général en déclin, tandis que les tendances des taxons terrestres sont plus variables. La plupart des tendances sont significativement corrélées aux pratiques agricoles ou au paysage. L'utilisation d'intrants de synthèse (pesticides et fertilisation minérale) est corrélée au déclin des taxons volants dans les grandes cultures, tandis que dans les prairies, la fertilisation organique et/ou minérale est la principale pratique explicative, avec des relations contrastées entre les groupes taxonomiques. En outre, les carabes et des mollusques sont en augmentation dans les prairies permanentes mais en déclin dans les prairies temporaires. Enfin, dans les vignobles, les variations d’abondance des abeilles solitaires sont positivement reliées à la présence de bois dans le paysage, alors que l'inverse est vrai dans les prairies. (4) Synthèse et applications. Nos résultats confortent le rôle de la science citoyenne comme source prometteuse de données à grande échelle spatiale et temporelle dans les espaces agricoles, contribuant à l'identification des pratiques agronomiques qui peuvent aider à atténuer le déclin de la biodiversité. Nos analyses suggèrent que la réduction des intrants chimiques peut non seulement réduire le déclin des abeilles et des papillons, mais parfois même favoriser leur augmentation. Une fertilisation organique plus importante peut favoriser l'abondance des abeilles et des carabes dans les prairies mais réduire l'abondance des mollusques, tandis que le non-retournement des prairies peut favoriser l'abondance des invertébrés du sol. Enfin, ces programmes de science citoyenne incitent les agriculteurs à observer la biodiversité de leurs parcelles. Reste à savoir si cet engagement collectif des agriculteurs peut également contribuer à la conservation de la biodiversité par une plus forte sensibilisation sur le sujet.

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